Où est-il ton Dieu
Il y avait dans le camp un jeune enfant, un pipel comme on les appelait....
Un jour que nous revenions du travail, nous vîmes trois potences dressées sur la place d'appel, trois corbeaux noirs.
Appel. Les SS autour de nous, les mitrailleuses braquées : la cérémonie traditionnelle. Trois condamnés enchaînes, et, parmi eux, le petit pipel...
Un jour que nous revenions du travail, nous vîmes trois potences dressées sur la place d'appel, trois corbeaux noirs.
Appel. Les SS autour de nous, les mitrailleuses braquées : la cérémonie traditionnelle. Trois condamnés enchaînes, et, parmi eux, le petit pipel...
Le chef de camp lut le verdict.Tous les yeux étaient fixés sur l'enfant. Il était livide, presque calme, se mordant les lèvres. L'ombre de la potence le recouvrait... Les trois condamnés montèrent ensemble sur leur chaise. Le trois cous furent introduits en même temps dans les nœuds coulants...
-Où est le bon Dieu? Où est-il? -demanda quelqu'un derrière moi.
-Où est le bon Dieu? Où est-il? -demanda quelqu'un derrière moi.
Sur un signe du chef de camp, les trois chaises basculèrent...
Les deux adultes ne vivaient plus... mais la troisème corde n'était pas immobile : si léger, l'enfant vivait encore... Plus d'une demi-heure, il resta ainsi à lutter entre la vie et la mort, agonisant sous nos yeux. Et nous devions le regarder bien en face.
Derrière moi, j'entendis le même homme demander :
-Où donc est Dieu?
Et je sentis en moi une voix qui lui répondit :
Où il est? Le voici : Il est pendu à cette potence.
Derrière moi, j'entendis le même homme demander :
-Où donc est Dieu?
Et je sentis en moi une voix qui lui répondit :
Où il est? Le voici : Il est pendu à cette potence.
Elie WIESEL
"La nuit" page 102-105